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Julien Serve
Julien Serve
194 Flags, installation (2011)
Courtoisie de l'artiste
Crédit photo : Nicolas Brasseur, Le Printemps de Septembre 2012
Julien Serve
194 Flags, installation (2011)
Courtoisie de l’artiste
Crédit photo : Nicolas Brasseur, Le Printemps de Septembre 2012
Julien Serve
194 Flags (2012)
Courtoisie de l’artiste
Julien Serve
Mandala (2012)
Courtesy of the artist
Photo : Nicolas Brasseur, Le Printemps de Septembre 2012
Né en 1976 à Paris, il y vit et y travaille.
L’homme qui a réalisé le drapeau du pays Terre
Julien Serve est diplômé des Beaux-arts de Paris-Cergy. Issu de la peinture et du dessin, il explore plus récemment la photographie, la chanson, la vidéo. Julien Serve se plaît à superposer les images, à les empiler, les retourner, les triturer pour révéler leur secret. Il y a souvent dans son mode opératoire quelque chose de compulsif. Superposer des images d'enfance, les associer, les dissocier, y adjoindre des extraits de magazines, des bribes d'interview : révéler des histoires enfouies. Selon Marie Richard (H3 Concept, Paris) : « Entre arrêts sur images et superpositions de ces dernières, Julien Serve revient souvent sur ses clichés : il les retravaille, les pixellise, les réinvestit avant de nous les proposer. Le résultat est fantomatique. »
Pour le Printemps de septembre, Julien Serve propose un étendard constitué de la superposition des spectres des drapeaux des cent quatre-vingt treize nations représentées à l’ONU plus celui de la Palestine. Inclure la Palestine ne procède pas en l’occurrence d’un acte militant de l’artiste : Julien Serve estime au contraire que l’acte militant eût été de l’exclure du processus, au moment même où son adhésion à l’ONU fait débat. 194 Flags est d’ailleurs un travail évolutif : au fur et à mesure de l’adhésion future d’autres nations à l’ONU, les drapeaux de ces dernières seront inclus dans le « drapeau du pays Terre », et la pièce rebaptisée en conséquence.
Ces cent quatre vingt quatorze drapeaux ont été fusionnés, compressés, de manière parfaitement équitable, à intensité visuelle égale numériquement, sans aucune prédominance d'un drapeau par rapport à un autre, d’une nation par rapport à une autre, de manière à générer un seul et unique drapeau – l’équivalent d’une synthèse égalitariste. Ce travail (cette expérience, aussi) pose la question de l’identité nationale : imaginons un instant remplacer à Toulouse tous les drapeaux français par ce drapeau de fusion – vivrions-nous alors la perte de notre identité nationale ou l’acquisition d’une identité humaine globalisée ? À cette question, le drapeau de Julien Serve flottant au vent du Printemps de Septembre semble répondre : « Humanity is mine! ». Et l’humanité semble solaire, lorsqu’elle est tout ensemble, en un seul emblème, réunie…
Un drapeau, de par ses symboles, le plus souvent simples, et ses couleurs généralement « primaires », permet à une communauté, un groupe, une nation, de se définir, de revendiquer une existence propre, de se singulariser des autres – généralement contre les autres, l’absence de nuances de l’esthétique vexillologique la rendant restrictive par définition, exclusive, voire agressive. Le drapeau s’impose, le drapeau impose. Au contraire, la fusion sur une seule et unique bannière de toutes les identités prises en compte nous révèle une humanité douce, vibrante, harmonieuse, nuancée, pastel, modeste. Adieu les armoiries, l’affirmation de l’individualité singulière ou nationale, adieu les antagonismes, voire la guerre : le drapeau de Julien Serve est onirique, fantasmatique, et peu à même de réunir aucune troupe, militante ou militaire, à l’assaut d’idéaux ou des autres nations : elles sont toutes là, étendues l’une sur l’autre sur l’étendard de l’utopie. Le drapeau de Julien Serve est ainsi, de fait, profondément antihistorique.