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Gianni Motti

The Victims of Guantanamo Bay (Memorial)
28.09.12 - 21.10.12
Installation — Lieu-Commun, artist run space

Gianni Motti
The Victims of Guantanamo Bay (Memorial) (2006)
Courtoisie Frac-Collection Aquitaine
Crédit photo: Nicolas Brasseur, Le Printemps de Septembre 2012

Né en 1958 en Italie, il vit et travaille à Genève. 


Usurpateur de l’Histoire


Gianni Motti mène à Genève, en Suisse, selon ses propres termes, « une vie exemplaire ». Boutade ? Assurément, quand on connaît la culture de la perturbation chère à cet énergumène de l’art qui a représenté la Suisse à la Biennale de Venise en 2005. Sa dernière exposition personnelle, « Swap », présentée par le B.P.S. 22 à Charleroi en mars 2012, explore ainsi les contradictions actuelles entre pouvoir financier et pouvoir politique, la finance, devenue championne de gouvernance, s’imposant de plus en plus au second tout en fragilisant le centre de décision des régimes démocratiques.

 

La pièce présentée à Toulouse, The Victims of Guantanamo Bay, montrée pour la première fois à la Salle de bains à Lyon en 2007, consiste en une série de plaques commémoratives dédiées aux prisonniers du centre de détention américain. Sa forme est empruntée à celle des monuments aux victimes du 11 Septembre, mais la liste de noms, gravés dans l’acier par ordre alphabétique, est celle des 759 personnes qui ont été ou étaient encore détenues en 2007 à Guantanamo. Les États-Unis avaient en effet dû publier la liste complète des prisonniers, suite au recours de l’agence Associated Press, au nom de la Loi américaine sur la liberté de l’information. Mourad Benchellali et Nizar Sassi, ex-détenus français, étaient présents au vernissage.

 

Selon Claudia Cargnel, sa galeriste à Paris, les œuvres de Gianni Motti, génie de l'appropriation et de la manipulation des événements du quotidien, « s'apparentent à une suite d'interventions, souvent hors du monde de l'art, infiltrant la réalité et véhiculant ses protestations sociales et politiques. » Motti se veut aussi « démiurge », revendiquant l'apparition de certains phénomènes naturels comme les éclipses de lune ou de soleil au « vernissage » desquelles il invite les foules, ou le tremblement de terre de Los Angeles de 1994, qu’il s’approprie comme une œuvre. Au titre de la politique, il se sera notamment porté candidat à la présidence des États-Unis, aura usurpé un siège à l’ONU et présenté plusieurs expositions en hommage aux prisonniers de Guantanamo, la première au Centre culturel suisse à Paris, le 11 septembre 2004, étant intitulée «Guantanamo Initiative».

 

Cette œuvre du duo Christophe Büchel et Gianni Motti, réalisée en toute complicité avec Michel Ritter, regretté directeur du Centre culturel suisse de Paris, en réfère à l’histoire ancienne de Guantanamo. Cette baie cubaine est occupée par les États-Unis en vertu d’une convention établie en 1903 mais régulièrement dénoncée par Cuba, dont le gouvernement, depuis 1959, n’encaisse plus les chèques qui lui sont adressés annuellement par le Trésor américain pour la location de la baie. « En 1903 », dit le manifeste de Büchel et Motti, « le gouvernement américain obtient de force la signature d’un accord qui confère aux États-Unis un droit absolu d’ingérence sans les affaires cubaines ». Les États-Unis ont ainsi obtenu une concession permanente pour la baie de Guantanamo et s’acquittent en échange de ces 117 km2 d’un loyer annuel symbolique, s’élevant aujourd’hui à 4085 dollars.
Les chèques correspondants n’ayant plus été encaissés, Büchel et Motti estiment que la Convention de Vienne portant sur les traités est caduque. De là, leur militantisme pour la restitution de Guantanamo à Cuba. Ils s’invitent alors très concrètement à la table des négociations, initient une discussion avec Cuba par conseillers interposés, dans le but de louer à leur tour, en toute légalité, la baie de Guantanamo et de la transformer en base culturelle. « À nous de faire partir les squatters! » assène Motti en faisant référence au « locataire » américain.


Gianni Motti, inlassablement, poursuit ses engagements : « Je ne cherche pas à faire de l'art « artistique » », dit-il, « je veux créer de l'art en oubliant l'art, je veux faire un travail qui parle par lui-même et qui ait du sens.» Le sens, en l’occurrence, de l’Histoire en marche.