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Anselm Kiefer

Occupations
28.09.12 - 21.10.12
Exposition — les Abattoirs, Musée – Frac Occitanie Toulouse

Anselm Kiefer

Occupations, série photographique marouflée sur plomb (2011)
Collection Anselm Kiefer

Crédit photo : Nicolas Brasseur, Le Printemps de Septembre 2012

Anselm Kiefer
Occupations, série photographique marouflée sur plomb (2011)
Collection Anselm Kiefer

Crédit photo : Nicolas Brasseur, Le Printemps de Septembre 2012

Anselm Kiefer
Occupations, série photographique marouflée sur plomb (2011)
Collection Anselm Kiefer

Crédit photo : Nicolas Brasseur, Le Printemps de Septembre 2012

Anselm Kiefer
Occupations, série photographique marouflée sur plomb (2011)
Collection Anselm Kiefer

Crédit photo : Nicolas Brasseur, Le Printemps de Septembre 2012

Né en 1945 à Donaueschingen (Allemagne), il vit et travaille à Paris. 

 

L’Histoire envers et contre tout

 

Né en 1945 en Allemagne (l’« année zéro », celle de la chute du IIIe Reich), Anselm Kiefer est l’un des artistes allemands les plus importants de la seconde moitié du XXe siècle. Lauréat de très nombreuses distinctions (dont le prix Wolf en 1990 et le Prix international du jury de la 47ème Biennale d’art de Venise), il est élevé en 2005 au rang d’Officier de l’Ordre du Mérite de la République fédérale d’Allemagne et devient, en 2011, Professeur invité au Collège de France.


Anselm Kiefer aura aussi été d’emblée l’un des artistes les plus controversés de sa génération, du fait même de son propos, longtemps axé sur la question du passé nazi de l’Allemagne, un passé envisagé au prisme de son aspect tristement cardinal, le détournement calculé de la Kultur et sa mise au service de la barbarie, de l’avilissement de l’humain et de l’extermination.


Anselm Kiefer s’inscrit dans la postmodernité par sa posture critique mais s’en distingue par sa ferveur analytique. Au moment même où il entreprend sa carrière d’artiste dans les années 1970, se voit consacrée la double crise jumelle de l’humanisme et, dira bientôt le philosophe Jean-François Lyotard, des « grands récits » de la culture occidentale. Plus de fortes croyances positives où ancrer une conception optimiste du monde et du destin humain. La culture de l’opinion, éphémère, périme dorénavant le culte de la Vérité, sur fond de croissante dissémination des croyances et de relativité des idées. Anselm Kiefer travaille à partir de ce point de bascule. La modernité ? Elle a créée l’utopie du bonheur ultime mais, tout autant, l’horreur politique.


Anselm Kiefer va aussi à l’encontre de la formule de ce philosophe du désenchantement qu’est Jean-Luc Nancy, lequel affirmait que « le grand art ne peut plus être que son propre vestige ». Ainsi, à l’encontre des sirènes du postmodernisme, il va résulter de l’approche réflexive de l’artiste allemand une « forme » plastique spécifique, qui peut tenir aussi, à sa manière, du « grand art » préservé : l’allégorie figurative. Plus que des descriptions – même si les formes reconnaissables y abondent : forêt allemande, portrait de philosophes et d’hommes politiques, cartes militaires, vues de champs de bataille… –, les œuvres d’Anselm Kiefer sont des agglomérats de signes, des textes. Ce corpus au fort quotient démonstratif appelle sur lui la lecture réfléchie, plus que la contemplation passive.
Élargissant encore son point de vue, l’artiste interroge bientôt le destin même de la culture occidentale, qu’il va volontiers évaluer en fonction de systèmes symboliques d’essence non rationnelle, de la Kabbale à la poésie d’Arthur Rimbaud, d’Ingeborg Bachmann ou encore de Paul Celan. Anselm Kiefer est ainsi le seul parmi les postmodernes, connus pour leur amour de la tradition et leur culture de l’héritage culturel, à faire vivre et survivre une œuvre à la fois transhistorique et « reliant ». Les arguments esthétiques, plastiques et théoriques, ici, s’inscrivent dans une démarche de réappropriation intime, personnelle, amoureuse, de la culture allemande et occidentale.


Anselm Kiefer l’affirme, en opposition à Georges Didi-Huberman et à la théorie de l’anachronisme : le passé est dans le présent mais le présent n’est pas dans le passé. Le présent se doit donc être une anamnèse, un travail précis de qualification du passé au prisme de son héritage et de qu’il convient d’en faire pour ne pas revivre les erreurs de l’Histoire. Que l’artiste dérange ou soit par certains considéré comme provocateur, dès lors, importe peu. Une manifestation artistique intitulée « L’Histoire est à moi ! » est tout bonnement inimaginable sans Anselm Kiefer. La proposition kieférienne, sommet de réappropriation personnelle et de reconfiguration intime de l’Histoire, fait ici figure de leçon – une leçon d’art et une leçon d’Histoire pour l’occasion jumelées, respectivement innervées. Elle constitue à cet égard, par excellence, l’un des moments majeurs de cette exposition toulousaine.

Remerciements : José Alvarez