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27.09 -- 13.10.2002
L'an dernier, le printemps, après dix ans passés à Cahors, a changé de ville et de nom. Les deux tragédies du mois de septembre 2001 ont bien sûr pris le pas sur tout le reste, mais le festival s'est tenu malgré tout, et a semblé tout de suite trouver sa place dans une ville ouverte et pleine d'énergie telle que Toulouse.
Cette année, il souhaite donner sa pleine mesure dans cette ville dont les blessures se referment lentement. L'échelle, ici, est différente, les attentes aussi. A Cahors, le printemps reposait sur une grande solidarité locale et une inventivité constante de la part des organisateurs et des artistes pour faire face aux diverses difficultés. Ici, le printemps passe à une autre dimension, plus professionnelle au niveau véritablement international. Il le fait avec le souci de continuer à être cet "observatoire de la création contemporaine" qui est l'objectif que l'équipe fondatrice lui avait assigné.
Mais la création, au cours des dix dernières années, a beaucoup évolué. Les lieux et les circuits de l'art se sont multipliés, la création artistique s'est elle aussi professionnalisée et mondialisée, pour le meilleur et pour le pire. En même temps, l'art est plus que jamais une manière rigoureuse et radicale de penser le monde, ses changements, ses incertitudes, sa complexité. Sa dimension sociale et politique est maintenant une donnée incontournable, quel qu'en soit le mode d'expression, à l'intérieur de l'institution ou en dehors.
Le thème qui fédère l'édition 2002, "Fragilités", proposé par Marta Gili, commissaire des expositions, saisit avec beaucoup d'acuité et de subtilité un état de la situation présente, tant dans le domaine public que dans le domaine privé. Le constat, loin d'être statique, invite au contraire à une mise en question des instruments et des présupposés au travers desquels nous tentons de déchiffrer le monde. Il est une invitation faite à chacun, comme l'écrit Marta Gili, à "exposer au grand jour sa propre sensibilité".
Les artistes, là encore, nous montrent la voie, en renonçant aux certitudes, celles d'une pratique bien installée, de la maîtrise d'un médium unique, par exemple. Nous le voyons entrecroiser et métisser des formes d'expression différentes, photographie, vidéo, projection, installation, et passer de l'espace muséal à l'espace public. Le festival lui-même peut se lire comme une vaste installation en chantier, qui associe expositions et projets dans la ville, projections et spectacles vivants, musique, performance et travail sur l'espace urbain.
Mobilité, hybridation : les lignes directrices dont d'emblée en phase avec la grande ville, à laquelle elles empruntent beaucoup et dont elles nous parlent aussi indirectement. L'"observatoire", du coup, n'est plus une conscience critique détachée, il est pris dans la circulation entre les différentes formes d'expression. Il est partie prenante, tout comme le scientifique fait partie de l'expérience qu'il conduit, et qu'il modifie du fait de sa présence même, ou tout comme le spectateur, d'une certaine manière, "fait" l'oeuvre qu'il regarde.
Ce "principe d'incertitude", pluq que jamais au coeur de la création d'aujourd'hui, est aussi une des sources du plaisir que nous éprouvons à son contact.
C'est ce plaisir que nous avons souhaité partager avec tous dans cette édition 2002 du printemps de septembre qui existe grâce à la fidélité des entreprises mécènes qui financent plus de 50% de ce festival depuis les premières années, aux côtés de la ville de Toulouse dont le maire, Philippe Douste-Blazy, a toujours soutenu la création artistique, de la DRAC - ministère de la Culture et de la Communication - et de la région Midi-Pyrénées.
Marie-Thérèse Perrin
Présidente